Croyez-vous qu’il soit facile aujourd’hui d’importer une supercar en France depuis un autre pays européen ? Vous pensez probablement, comme moi, que l’harmonisation européenne permet la libre circulation des produits depuis des années. Importer une supercar en France peut être simple, mais mon récent achat d’une Ferrari F355 m’a prouvé que le processus peut aussi être extrêmement compliqué. Voici tous les problèmes que j’ai concrètement rencontrés pour importer en France un véhicule Suisse vendu en Allemagne chez Auto Salon Singen. Le cas n’est pas simple, et il vous permettra justement d’apprendre tous les pièges dans lesquels ne pas tomber.
1. Immatriculez votre véhicule pour vous rendre à la douane. La première chose à faire est de pouvoir immatriculer votre supercar pour vous rendre à la douane et y effectuer les démarches d’importation. Premier casse-tête. Le véhicule est Suisse mais vendu en Allemagne chez un spécialiste réputé situé à la frontière entre les deux pays. Les plaques suisses ne peuvent être utilisées car elles sont retirées lors de la vente. Ce serait pareil avec des plaques allemandes. Pour obtenir des plaques d’exportation en Allemagne, il faudrait passer la certification TüV (équivalent de notre contrôle technique) et donc payer la TVA sur le véhicule en Allemagne. Sauf qu’il est très probable qu’une fois en France l’administration vous redemande de payer à nouveau la TVA, dont le taux est plus élevé en France. C’est ce que me disent les gens d’Auto Salon Singen, qui exportent 80% des supercars qu’ils vendent, et que me confirmeront plus tard les douaniers. Impossible d’obtenir des plaques françaises, même provisoires, d’autant qu’elles ne permettent pas de rouler à l’étranger. La seule solution est de prendre des plaques provisoires allemandes d’une validité de 5 jours. Ces plaques incluent une assurance du véhicule pour la même durée. Il y a dans ce cas précis un trou dans les dispositions prises par la Communauté Européenne, qui m’a été confirmé par les douaniers : il est interdit de rouler en France avec ces plaques provisoires allemandes. Légalement, il n’y a pas de solution. Ce sont les plaques allemandes avec un bord rouge. Regardez et vous en croiserez sur la route, car les forces de l'ordre sont rarement au courant de leur illégalité.
2. Composez avec les horaires des douanes françaises. Vous devez savoir que les horaires des douanes françaises ne sont pas les mêmes que ceux des douanes allemandes, par exemple. Auto Salon Singen m’indique qu’il faut que j’arrive impérativement avant 17h00 à la douane française. Nous sommes un vendredi. Le temps de traverser la Suisse puis de trouver le bon poste de douanes, il est 16h30 passés lorsque je trouve le transitaire qui m’a été recommandé. A 16h45, lorsqu’il peut enfin s’occuper de mon cas, il m’indique qu’il est trop tard pour les opérations d’import/export parce que le poste de douanes va fermer. Il faut revenir lundi ! Evidemment pour moi ce n’est pas possible, j’avais prévu de rentrer chez moi le soir même. Les douaniers m’indiquent un autre poste frontière pas loin qui reste ouvert plus tard. Il s’agit en fait d’un poste frontière allemand, où un transitaire m’explique qu’il veut bien m’aider à faire mes papiers d’import/export mais que l’administration française risque de les refuser ensuite pour immatriculer le véhicule. La fameuse TVA payée en Allemagne et non en France ... entre autres ! Il m’est alors indiqué un autre poste frontière français qui doit être ouvert le samedi pour ces formalités. Je décide alors de trouver un hôtel pour revenir le lendemain matin. Si seulement les postes frontières français étaient ouverts aussi longtemps que les postes frontières allemands ! Je me dis qu’il ne doit pas être si facile d’exporter des produits hors de France avec ces horaires alors qu’ensuite on se plaint de notre déficit commercial !
3. Devenez l’ami des douaniers et ils vous le rendront. Le lendemain matin, samedi, je retourne donc dès la première heure au poste frontière qui m’a été indiqué. Là le douanier Suisse m’arrête : une voiture avec des plaques allemandes provisoires venant de France pour rentrer en Suisse, ce n’est pas normal. Cela tombe bien puisque ce sont les douaniers que je viens voir. Je lui explique mon cas et il va chercher ses collègues français. Ils arrivent à trois ou quatre et commencent par m’expliquer que je suis en infraction. D’une part je vais être verbalisé et d’autre part mon véhicule va être immobilisé. Je ne pourrai pas repartir avec. Je ne dis rien. J’attends que les agents des douanes aient fait leur devoir. C’est un point très important. Ensuite, le douanier regarde les justificatifs que je lui ai fournis et me demande des éclaircissements. Je lui explique alors que je suis là de bonne foi, pour réaliser les papiers d’import/export parce que je suis arrivé trop tard hier soir à la douane. Il m’informe qu’il est impossible de réaliser ces papiers côté français car tout est fermé le week-end, mais qu’il va voir si c’est réalisable côté allemand où les bureaux sont ouverts. Ils reviennent une bonne demie heure plus tard pour m’expliquer que je risque d’avoir des problèmes pour immatriculer mon véhicule si les papiers ne sont pas fait par les douanes françaises. En particulier ce fameux paiement de la TVA et le formulaire d’exemption des droits de douane, car la voiture a été produite en Union Européenne. Je n’ai pas le droit de repartir avec mon véhicule, mais j’entends lors d’une discussion plus loin avec leur chef que cela ne les arrange pas du tout de garder une Ferrari tout le week-end. Trop de responsabilités, car le propriétaire peut les attaquer ensuite pour détériorations, par exemple. Ils tentent alors de m’expliquer que je pourrais rester côté Suisse tout le week-end et faire les papiers lundi matin. Cela ne m’arrange pas et je leur réponds que c’est justement le douanier Suisse qui m’a empêché de rentrer sur leur territoire. Ils acceptent finalement de conserver mon véhicule le week-end. Pas vraiment le choix. La voiture est placée dans le garage fermé attenant au poste de douane, qui sert à démonter les véhicules suspects. Gardée 24h/24 par des douaniers armés, je sais que la Ferrari sera en sécurité. Les douaniers m’expliquent qu’ils n’ont jamais été attaqués. Je peux partir en week-end tranquille.
4. Ne passer pas par les transitaires à la douane. Auto Salon Singen m’avait recommandé un transitaire afin de faciliter toutes les démarches. Mais il n’avait été d’aucune aide dès le premier problème survenu. De leur côté, les douaniers nous trouvent le prochain train pour partir profiter de notre week-end et nous appellent un taxi. En l’attendant, ils me montrent exactement ce que je devrais faire le lundi pour réaliser toutes mes formalités douanières rapidement. Ils me conseillent de ne pas passer par un transitaire. Les papiers demandent quinze minutes à faire et je prendrais au moins autant de temps à trouver un transitaire disponible puis lui expliquer mon besoin. Effectivement quand je reviens le lundi, du côté suisse, l’exportation du véhicule me demande cinq minutes car toutes les explications sont fournies pour remplir les formulaires. Du côté français, j’ai besoin de dix minutes pour l’importation car il me faut payer la TVA et donc passer par la Trésorerie. Une anecdote intéressante à ce sujet. Lorsque j’arrive au guichet, le préposé me demande comment je compte régler. Au-delà d’une petite somme, un chèque certifié par votre banque est obligatoire. Ce qui est ubuesque, c’est que vous ne pouvez pas savoir à l’avance combien vous devrez payer. Les douanes peuvent en effet décider que le montant de la vente que vous annoncez est trop faible. Ils choisiront alors une côte argus pour calculer combien vous devez. Quand je leur annonce que je paie en cash la somme, qui monte vite avec 19,6% de TVA, leurs têtes changent. Ils me demandent ensuite si j’ai bien déclaré en douane cette somme. Car autre ironie du système, vous ne pouvez pas régler par chèque bancaire ou par carte bleue, mais vous ne pouvez pas non plus transporter une telle somme. Je leur explique que je viens de Suisse où mon vendeur vient de me remettre ce trop perçu, puisqu’il devait initialement payer la TVA. A partir de là, aucun problème, même si au niveau de la Trésorerie, ils n’ont visiblement pas l’habitude de recevoir une telle somme en liquide. Recompter tous les billets a pris un peu de temps, mais j’avais enfin tous mes papiers pour l’importation. Ouf !
5. Roulez en France avant d’obtenir vos plaques. Une fois que vous avez vos papiers d’importation du véhicule, vous pouvez passer en préfecture pour obtenir votre immatriculation. Sauf qu’il vous faut d’abord passer le contrôle technique. Sauf que vos plaques sont illégales sur le territoire français. Vous ne pouvez pas rouler. Le serpent qui se mort la queue et surtout l’harmonisation européenne qui reste encore à faire. Vous devriez au moins pouvoir rouler jusque chez vous en France avec des plaques provisoires allemandes et passer votre contrôle technique. Si à la douane ils savent que les plaques provisoires allemandes sont interdites, cela ne semble pas être le cas sur le reste du territoire. Lors du contrôle technique, le fait de ne pas avoir vos plaques définitives ne pose pas de problème à partir du moment où vous pouvez prouver que vous êtes bien le nouveau propriétaire du véhicule. Si j’imagine bien faire ce petit trajet jusqu’au centre de contrôle technique avec tous les papiers qui conviennent pour prouver une fois de plus ma bonne foi si besoin, je n’imagine pas sortir la Ferrari juste pour le plaisir d’en profiter. C’est une période très frustrante. Je me renseigne et j’entends parler de certains garages qui fournissent des plaques W garages moyennant finances. Mais la petite dizaine de garages que je consulte m’informent qu’ils ne le pratiquent pas. Pas assez de débit pour en avoir d’avance ou pas assez de plaques pour leurs propres voitures neuves. Tant pis, je ne partirai pas en week-end prolongé comme rêvé avec la Ferrari.
6. Obtenez votre certificat de conformité en France. Pour gagner un peu de temps lors de la partie administrative de l’achat de la F355 (transferts de fonds par exemple), j’avais demandé à Auto Salon Singen de me fournir le certificat de conformité européen nécessaire pour l’immatriculation. Commandé à la concession Ferrari qui est à 100 mètres de chez eux, il m’est fourni en temps et en heure par Ferrari Deutschland. Au moins je sais déjà que cette partie-là ne posera pas de problème. Erreur. A la préfecture, après tous les tracas déjà rencontrés, mon certificat est refusé. Pourquoi ? Je demande à voir la responsable. Elle m’explique qu’il doit comporter telles et telles données. Forcément elles sont présentes sur le document, le document est commun au niveau européen, même si les libellés sont en allemand. Il manque tout de même le numéro de type fournit par les Mines lors de l’homologation en France. Apparemment le certificat de conformité européenne est apparu en 1996 et si votre véhicule a été produit avant, il faut le réaliser en France pour disposer du numéro d’homologation nationale. Pour ne pas perdre plus de temps en tracasseries administratives, je demande à la concession Ferrari locale de me fournir un certificat de conformité européen. Je paie donc deux fois ce certificat qui est censé être valable partout en Europe. Un trou de plus dans l'harmonisation européenne. Le temps d’obtenir un rendez-vous et que les week-ends prolongés passent, j’obtiens le précieux sésame trois semaines plus tard. Quel plaisir de pouvoir enfin profiter de la Ferrari, juste à temps pour participer à Sport et Collection !
Acheter une supercar à l’étranger peut se faire parfois pour bénéficier d'un tarif avantageux mais encore plus souvent, comme dans mon cas, parce que trouver un bel exemplaire avec toutes les options et l’historique souhaités peut nécessiter d’élargir votre champs de recherche au niveau européen, tant le nombre d’exemplaires produits est faible. Je vous raconte mon histoire dans le détail afin de vous aider à importer votre véhicule de l’étranger si le cas se présente. J’espère que vous ne rencontrerez pas autant de soucis. Les connaître à l’avance vous permet d’en éviter certains et de préparer les autres.
Avez-vous rencontré des problèmes pour immatriculer votre supercar ? Quels sont les conseils que vous donneriez à quelqu’un qui souhaite acheter une voiture d’exception à l’étranger de manière à ce que l’importation se passe du mieux possible ? Imaginiez-vous que cela pouvait être aussi difficile parfois ?
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